Sur les traces de… <br>

«Accepter de vivre le duel en soi et cette soif de liberté d’être … soi, tout à fait !»

1976-1977 - Tahiti - Sur les traces de ....

Une escale imprévue qui s’attarde en Polynésie va définitivement empreindre l’artiste de ses tonalités chatoyantes et enivrantes, ce sera «une autre approche de la peinture, bien plus vivante, et tellement inattendue…». La luxuriance de la végétation et le choc des couleurs sont tels que la jeune femme, partie dans ce long voyage, à la recherche de son identité, ressent cette vibration jubilatoire comme une évidence révélatrice, en retrouvant l’envie de peindre qui l’avait abandonnée. «Gauguin ne mentait pas : quand le soleil descend, les troncs des arbres sont, vraiment, rose, orange, ou bleu ». Après l’Ecole des Beaux-Arts de Paris et ses camaïeux tristes de gris et de beige, obligatoires, l’étudiante buissonnière rencontre enfin la couleur pour ce qu’elle doit être : un formidable terrain d’expérimentation et de liberté !

«Paris trop grise… Que la lumière soit, et je serai…! »

Des couleurs saturées de lumière…

Si le propos est commun à celui de Gauguin - saisir personnages et paysages dans leurs naturelles nonchalances - la palette de Béatrice s’en émancipe rapidement : «Je n’ai fait que répondre aux couleurs, ressenties comme présentes dans une réalité polynésienne qui m'était intimement révélée». Ces nuances riches et surprenantes qui «lui chatouillent l’œil», l’artiste s’en empare avec tout autant de délectation que son illustre prédécesseur : «Nos perceptions de la couleur et de la lumière ont, sans doute, quelque-chose en commun…».Les contrastes séduisent aussi la jeune peintre. On trouve déjà, dans sa recherche chromatique, une récurrence d’orangés et de mauves : « ces deux complémentaires contiennent les trois couleurs primaires, essentielles : rouge, bleuet jaune, avec lesquelles on peut obtenir une infinité de nuances ».

Ses cieux hauts qui embarquent l’œil, tout autant que ses premiers plans, sont significatifs et présentent un ensemble tenu, aux espaces libres, à la douceur si singulière.

Des attitudes qui révèlent une intimité bien plus subtile…

A travers ces corps presque nus, mais parés d’une pudeur qui émeut l’artiste, c’est un questionnement profond que la jeune femme peintre engage, telle une architecture de sentiments cachés. VEA qui pointe sous BEA, cherche déjà des attitudes moins classiques : des poses alanguies à la contemporanéité avérée, des portraits de jeunes filles pensives dont les visages témoignent, non pas, d’une vie lissée, mais de parcours secrets… La vie collective, souvent le binôme (Tautira, Confidence, Faamu, Fiu !) effleurent l’intimité, le partage de sentiments et de cultures. Des scènes du quotidien qui saisissent, intriguent et charment la peintre-photographe qui reste en retrait… Ces vies qu’elle croise et capture ne la regardent jamais. Tel un reporter, l’artiste sait déceler la bonne distance pour surprendre le sentiment, bien plus que retenir le corps. C’est une sincérité permanente, un témoignage pictural spontané qui rend tangibles des traces de vie.

Les toiles exhalent cette aura d’un vécu exotique, cher à l’artiste.

La texture se veut légère, au plus près de cette nature qu’elle désire absorber sans tricherie, selon une écriture picturale épurée, aux multiples nuances, mais sans atermoiements. Le geste est précis, minutieux, attentif : «à l’écoute du langage des couleurs authentiques de la Polynésie». Avec simplicité, la jeune artiste, au sortir de sa chrysalide, restitue une réalité nonchalante, sans artifice, entre terre écrasée de soleil et ombres portées…

Une brise légère passe sur notre joue…

Consciente que l’artiste ne peut se mentir

BEA-VEA peint ce qu’elle respire…