L’idée de trace est un concept prégnant pour l’artiste : «Elle me précède, me poursuit et m’obsède ». Un accident de voiture va obliger VEA XIRADAKIS à remettre à plus tard l’achèvement de ses travaux en cours et la diriger vers des gestes moins exigeants. Rarement à court d’idée, l’artiste va transformer cette contrainte en une nouvelle règle du jeu : « quand le soleil n’est pas là, il faut s’amuser avec les nuages... »

L’arrachement, entre choc et osmose dans un jeu de duo à double tranchant 

VEA, jusqu’alors peu friande du support papier, s’oriente vers des feuilles blanches, semi-rigides, au format "raisin" (65x50cm), pour aborder une nouvelle démarche expérimentale d’abstraction. Pour ses premières Empreintes acryliques, sa palette chromatique se resserre autour des couleurs primaires : une série de duos, Rouge-Vert, Vert-Bleu et Bleu-Rouge. Puis, comme dans ses périodes picturales précédentes, l’artiste ira compléter ses variations avec la couleur Jaune, confrontée, à son tour, aux couleurs primaires. Si l’amplitude physique des gestes de VEA se trouve limitée, pour quelques mois, son nouvel atelier, spacieux, va lui permettre d’utiliser, chaque jour, une dizaine de feuilles, et de les laisser sécher jusqu’au lendemain pour entamer de nouveaux duos de couleurs. Le travail s’effectue, sur une table haute, suffisamment grande pour y poser, côte à côte, deux feuilles et le matériel nécessaire au déroulement de l’opération. Les couleurs, choisies pour leur éclat pur et leur texture crémeuse, seront étalées à la raclette, en laissant une marge blanche tout autour de chaque feuille, puis, l’une délicatement posée et légèrement pressée contre l’autre, avant d’en être séparée. Ce sont ces gestes modulés, de pose, de jonction, puis de séparation des deux feuilles, qui vont créer des effets optiques, uniques et surprenants, de relief, de glissement et d’osmose. Les résultats fascinent l’œil de l’artiste, toujours en attente de cette jubilation « qui fait sauter la rétine ». L’arrachement qui suit cette « pénétration de la couleur adverse » est donc à lire, ici, et à comprendre, comme une gestuelle artistique, un happening jubilatoire, et non comme une séparation douloureuse.

L’empreinte répercutée, un écho qui se laisse résonner à l’infini  

Pour VEA, cet arrachement, qui génère l’empreinte, relève de l’aventure originelle : 

« Deux entités complémentaires se confrontent et s’accouplent pour créer d’autres entités, apparentées et pourtant différentes. Il y a le choc de la rencontre, puis, l’osmose inévitable, comme une jouissance qui provoque le chahut des couleurs, juste avant l’arrachement. L’empreinte en est le résultat, la trace, vibrant encore de cet instant unique, volé au temps... ».  Dans ce jeu répété du choc des couleurs primaires et secondaires, si le rouge est souvent présent  - couleur préférée de VEA, pour ses éclats joyeux et sa symbolique, du sang, du feu, de la passion, bref, de la vie-même - la démarche de l’artiste, peintre mais aussi photographe, est, ici, de susciter, tour à tour, toutes les couleurs de la palette triadique RVB du spectre lumineux, pour une prise de contact frontale, opposant et mêlant ces teintes pures. La répercussion de l’empreinte sur plusieurs feuilles, perçue comme un reflet d’écho, amène l’artiste à unir des suites, de deux à quatre empreintes, en les marouflant, aboutées, sur des supports adaptés, leur permettant ainsi de résonner ensemble :  'Ludique' et ses propositions variables  ; 'Duel' ; 'Dualité' ; 'Sève et Sang' et Sang et Sève  ; 'Aquarius' ; 'Soleil dans Lo' ...

Dans ce besoin de montrer le cheminement de la matière-couleur, à différents stades d’évolution, son geste reprend toute sa mesure, et VEA le perçoit comme une nouvelle forme de 'polyvisionnisme'.

Neuf-en-Une

Empreinte Acrylique unique, ‘polyvisionnée’ 

par neuf fenêtres découpées dans un carton blanc - 65x50 cm