Solipsies - Rétiniennes cloisonnées

«Seul(e) en ce monde qui n’existe pas sans moi»

La théorie du Solipsisme

Dans sa rébellion du corps et des foules, VEA traque désormais un concept et non plus une figuration. L’artiste, d’origine crétoise, n’hésite pas à se présenter, ironiquement, comme étant la petite-fille de Socrate, dont elle a, très naturellement, adopté la philosophie. Dans Gorgias - dialogue, rapporté par Platon, entre Socrate et le sophiste Gorgías de Léontini - Platon expose la théorie du solipsisme qui considère qu’il n’y a pas, pour le sujet pensant, capable de se saisir lui-même, d’autre réalité que lui-même. VEA XIRADAKIS en retient la thèse et l’accompagne de ses « Solipsies » qui s’accordent à la vision, unique et cellulaire, de son univers intérieur.

Le terrain est fertile où l’empreinte peut être laissée, cernée, où «développer l’amour de la solitude est très tôt, source de création, de récréation, de sentiment de liberté, de plaisirs sensoriels !»

VEA exacerbe et amplifie ce constat «Solipsique» et se l’approprie. L’être doit palpiter, entre désir, sensation et sentiment, il est le devenir de sa propre projection mentale…

D’une théorie philosophique à sa traduction picturale

Pour surprendre cette connexion, l’artiste peintre s’appuie sur son parcours initiatique de la couleur, notamment à la suite d’un récent voyage au Guatemala. Dans les villages de montagnes, l’artisanat textile est fortement contrasté, tenu par des couleurs saturées presqu’agressives. Entre violence et beauté, elles sont incisives, pures et sans nuances. VEA est captivée et l’œil retient cette juxtaposition de teintes vives. Elle explore les rapports les plus forts, en décortique les effets, poursuit les contrastes et s’en saisit. La première phase de ses nouveaux travaux relève d’un Happening contrôlé par une captation du Bleu, du Vert et du Rouge que l’artiste conjugue et confronte avant de les cloisonner. Elle décide cette fois-ci de travailler sur la toile de lin, brute, posée à même le sol, sans pinceau, avec de la peinture acrylique industrielle, en pots de 500 ml «pour bien les tenir en mains». Des coulées de peinture bleues, vertes et rouges sont versées directement sur la toile. L’artiste les étale à l’éponge, tout en contrôlant leur parcours. Un temps de pose est nécessaire pour observer les zones de couleurs qui vont lui inspirer le tracé du cloisonnement : celui-ci s’effectuera minutieusement, grâce aux couleurs crémeuses (faites maison) contenues dans d"ingénieuses petites burettes à bec fin. Une fois la peinture sèche, VEA reprendra certaines zones afin de les aviver. Cette façon de provoquer la couleur riveraine ressemble à une espièglerie de VEA qui, par son choix "borderline" de promiscuités chromatiques, cherche à nous "faire sauter la rétine ».

Contrarier les couleurs, les cloisonner, les piéger, pour les faire réagir et monter d’un ton...

VEA vise le «point de couleur», point d’impact des impressionnistes et des pointillistes. Plusieurs traités picturaux répondent à cette envie de préserver l’entité intégrale de chaque couleur, en la séparant des autres, tantôt par un cerne plus sombre, tantôt par un véritable cloisonnement (vitrine, cage, prison ?) qui apparaît progressivement dans la série des Arrimages où les plans colorés se côtoient, s’accrochent les uns aux autres, se tutoient sans se mélanger, pour finalement se retrouver cloisonnés. Dans les Solipsies, Phosphènes et Rétiniennes, ce cloisonnement devient la règle du jeu pour sublimer la couleur qui se concentre et vibre plus fortement dans ses propres limites.

Passer de l’absence du jaune à sa prédominance

VEA, pour se laisser surprendre, répond à son besoin d’aller découvrir ce qui se passe à l’opposé du chemin qu’elle vient d’emprunter : « Prenant conscience de l’exclusion du jaune dans l’ensemble de mes travaux abstraits, je suis allée volontairement à la rencontre de cette couleur qui à priori ne m’attire pas : elle n’a pas besoin de moi pour se faire remarquer, elle brille naturellement : c’est la couleur de l’or et du soleil, créateurs de contrastes et de reflets trompeurs. »

Il y a, en permanence, dans le travail de VEA XIRADAKIS, ce besoin de changer d’angles, de multiplier les perceptions, d’en amplifier les ressentis.

L’artiste des Solipsies transcrit l’univers de ses propres réalités…